Association et Travail social libéral
L’idée de créer une association est souvent envisagée par les travailleurs sociaux qui souhaite exercer en libéral, tantôt pour exercer seul ou en petite équipe, tantôt pour se regrouper plus largement.
Par héritage, nous maîtrisons souvent mieux le modèle associatif que les autres formes juridiques de l’entrepreneuriat social et solidaire.
Le modèle statutaire associatif (Loi 1901) est adapté à certain types de projets. En travail social libéral, il est généralement à exclure. On l’aurait fait sinon 😉. On s’explique. On essaye de faire simple, mais ce billet ne remplacera jamais les conseils d’un expert.
Rappel :
La loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août de la même année constituent les deux textes fondamentaux sur lesquels repose le fonctionnement des associations.
L’article 1er de la loi du 1er juillet 1901, définit ce qu’est l’association :
» l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices…« .
Ne faisons pas d’erreur sur les termes employés, les « bénéfices » ne sont pas nécessairement financiers. Ils s’appréhendent beaucoup plus largement et concernent tout autant des « avantages » ou des « intérêts » de toute nature. Cette définition signifie que la démarche de ces personnes doit être désintéressée et qu’une association n’est pas guidée par la recherche d’un profit.
Une association 1901 repose sur 4 piliers qui définissent entre autres le régime fiscal applicable à l’association.
- Un objet d’utilité
- Une adhésion volontaire
- Une gouvernance démocratique
- Une gestion
- Intéressée
- Désintéressée
Il ne suffit pas d’un objet d’utilité sociale pour affirmer le caractère non lucratif de l’association et lui permettre d’être exonéré des impôts dits commerciaux.
Si une association décide de mener une activité lucrative, elle peut continuer d’être exonérée des impôts commerciaux, si elle remplit toutes les conditions suivantes :
- sa gestion est désintéressée,
- ses activités commerciales ne concurrencent pas le secteur privé,
- l’activité lucrative représente une part marginale du budget de l’association et ses activités non lucratives restent prépondérantes.
Cependant, dès lors qu’une association exerce une activité économique aux profits d’entreprises, elle est dans tous les cas, soumise aux impôts commerciaux au même titre que toute société (IS, TVA, CFE…).
Penser « association » si un des buts poursuivi (même implicite) est de favoriser (directement ou indirectement) l’activité économique de ses fondateurs ou de ses adhérents… Oubliez a priori !
Prenons quelques exemples de montages rencontrés et qui posent question :
- Se regrouper en association entre deux ou plus professionnels pour être salarié de « son » association est évidemment une gestion intéressée. Il est tout à fait possible d’être salarié(e) d’une association (le secteur social institutionnel est construit sur ce modèle) à la condition expresse qu’aucun lien d’intérêt n’existe entre les représentants de l’association et le personnel salarié. Il ne suffit donc pas de mettre sa grand-mère ou un prête-nom au CA pour que la gestion soit désintéressée.
- Se regrouper en association entre deux ou plus professionnels de l’action sociale pour proposer, via l’association, des prestations de services analogues au secteur privé. C’est à priori une activité commerciale qui concurrence le secteur privé, sauf si cette activité s’adresse à un public bien spécifique qui n’auraient pas accès aux mêmes services du secteur privé, en pratiquant par exemple un tarif moindre qui serait subventionné par les cotisations des adhérents ou la vente de… tee-shirts ou autres goodies. Prenons en compte le travailleur social indépendant local (le secteur privé c’est lui) qui produit une prestation de service à un certain tarif parce qu’il doit s’acquitter des impôts commerciaux, et qui voit arriver sur son secteur d’activité un type de « structure associative » en concurrence déloyale, il ne manquera pas de réagir. Et il aura raison.
- Se regrouper en association entre deux ou plus professionnels indépendants de l’action sociale pour promouvoir directement ou indirectement l’activité économique de ses professionnels (membres ou adhérents) est évidemment une gestion intéressée. Qui plus est si ces professionnels « intéressés » sont également administrateurs ou membre du bureau, le conflit d’intérêt est alors caractérisé.
En résumé :
Créer une association dans le secteur du travail social en libéral, et vendre vos prestations, ne pose à priori aucune difficulté légale si votre association est déclarée en qualité d’association lucrative et ainsi soumise aux impôts commerciaux. Est-ce cependant le meilleur modèle/statut ?
Mais dans toutes les autres situations, le risque juridique et financier est important.
Une association est créée en quelques clics, et personne ne vous demandera ou ne vous opposera quelques questions.
Derrière l’apparent attrait simplifié du modèle associatif dans notre domaine d’activité, se cache en réalité beaucoup de limites et de pièges à dépasser en travail social libéral. Avec l’évolution de notre secteur, nous assistons aujourd’hui aux tous premiers redressements fiscaux des projets dits « associatifs » avec toutes les conséquences que cela suggère : requalifications en société de fait pour administrateurs, requalifications en contrat salarié pour les membres, et évidemment redressement fiscal. Tout d’un coup, le copain au CA est moins copain. La sanction ultime étant l’interdiction de créer ou diriger une entreprise pendant 5 ans qui peut être prise à l’encontre des dirigeants administrateurs mais aussi des dirigeants dits de faits.
Il existe selon Humacitia, beaucoup d’autres formes entrepreneuriales qui permettent le regroupement de professionnels, souvent de manière plus souple et plus pérenne financièrement, que le modèle associatif 1901. Il existe selon Humacitia, d’autres formes entrepreneuriales surtout moins risquées pour leurs fondateurs ou leurs dirigeants.
En conclusion :
Le modèle associatif en travail social libéral : bonne ou mauvaise idée ?
La réponse n’est évidemment pas si simple : oui ou non ?
Comme précisé au début de ce billet, une analyse plus poussée de votre projet/situation et les conseils d’experts vous éviterons sans nul doute quelques erreurs, parfois à lourdes conséquences.
Bonne idée :
Si le projet d’utilité sociale est de fédérer des membres de la société civile qui s’engagent bénévolement à servir une cause, à cotiser pour servir cette cause, à développer des activités « lucratives » au profit de l’association destinées à servir cette cause, (…), le modèle associatif est idéal. Il offre la part belle à la collégialité, à la solidarité, à l’entre-aide (…). Il n’appartient à personne mais sert l’intérêt général. Il bénéficie à ce titre d’importants « avantages » légitimes.
Mauvaise idée :
Dans quasiment toutes les autres situations.
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