Collaboration entre micro-entrepreneur·e·s :
jusqu’où sans devenir une société de fait ?
Travailler ensemble sans structure juridique commune : quels risques ?

Introduction
De plus en plus de professionnel·le·s en libéral coopèrent de façon souple : partage d’outils, communication commune, interventions croisées… Cette logique est stimulante. Mais lorsqu’il y a une adresse commune, une carte de visite unique, un nom commercial partagé, voire des interventions co-signées, la question se pose :
➡️ est-ce encore une simple entraide ou déjà une société de fait ?
Exemple de situation
Imaginons :
Deux éducatrices spécialisées exerçant en libéral ont décidé de collaborer étroitement : elles ont créé un site commun, utilisent une adresse mail partagée, diffusent une carte de visite unique et se présentent sous une même identité de marque.
À travers leur communication, elles se présentent comme une équipe unifiée, avec des publications et des visuels partagés.
Pourtant, chacune est juridiquement indépendante, sous le régime de la micro-entreprise.
👉 Cette situation, bien que souvent fondée sur la confiance et la volonté de coopération, illustre une zone grise : lorsque tout semble fonctionner comme une société, mais sans en avoir le statut, le risque de requalification en société de fait devient réel.
La société de fait : ce que dit le droit
Le Code civil (art. 1832) précise qu’une société existe lorsque plusieurs personnes :
- concluent un accord (même oral),
- mettent en commun des moyens ou des compétences,
- et poursuivent un objectif lucratif commun.
Même sans statuts écrits, une société peut donc être requalifiée « de fait » si ces conditions sont remplies. Des jurisprudences ont déjà acté cette requalification dans notre secteur, estimant que la coopération allait au-delà d’une entraide ponctuelle.
Les risques juridiques
Même en l’absence de mauvaise intention, une collaboration non formalisée entre plusieurs entrepreneurs individuels peut être requalifiée en société de fait par l’administration (URSSAF, impôts) ou par un juge. Outre la mauvaise image du travail social en libéral, cela déclenche plusieurs types de risques :
⚠️ Risques juridiques | ❌ Conséquences possibles |
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Requalification en société de fait → Référence : Code civil, article 1832 Si les trois conditions sont réunies (intérêt commun, mise en commun, volonté d’agir ensemble), l’administration peut considérer que vous formez une société… même sans statuts. |
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Sortie du régime de l’entreprise individuelle → Référence : Code général des impôts, art. 50-0 Si l’activité est jugée collective, l’administration peut remettre en cause votre statut individuel. |
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Redressement URSSAF / charges sociales → Référence : Code de la sécurité sociale Si la structure informelle encaisse de l’argent, fait circuler des fonds, ou emploie indirectement des personnes, cela peut être assimilé à une dissimulation d’activité ou d’emploi. |
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Responsabilité solidaire entre les associés de fait → Référence : Jurisprudence constante en cas de société de fait. Dans une société de fait, les personnes sont solidairement responsables des actes de gestion, même si elles ne les ont pas décidés elles-mêmes. |
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✅ Ce qu’on peut faire
Il est tout à fait possible de coopérer entre professionnel·le·s en libéral sans créer de société, à condition de rester dans un cadre clair :
- Partager un local ou des outils (agenda, documentation…), tant que chacun facture de son côté avec son propre numéro SIRET.
- Créer un site internet ou un support de communication commun, à condition que chaque professionnel·le soit clairement identifié·e comme indépendant·e, avec ses propres coordonnées.
- Signer un accord écrit (type protocole ou charte de coopération), pour préciser les rôles et les limites de l’intervention commune, sans aller jusqu’à créer une structure formelle.
❌ Ce qu’il faut éviter
En revanche, certains comportements ou pratiques peuvent faire basculer dans une situation à risque, voire conduire à une requalification en société de fait :
- Se présenter comme une structure unique, sans qu’aucune structure juridique collégiale ne soit réellement déclarée.
- Utiliser un nom commercial commun (ex. : “Les accompagnants du lien”) sans être immatriculés sous ce nom, ni avoir précisé que chacun reste indépendant.
- Gérer des paiements, des devis ou des encaissements à deux, via un compte commun ou un tiers, sans statut adapté.
- S’entendre sur les tarifs ou les prestations, facturer ensemble ou à tour de rôle.
En pratique, ce que propose Humacitia
Chez Humacitia, nous accompagnons les professionnel·le·s qui souhaitent coopérer pour le faire dans un cadre clair, légal, éthique et responsable. Nous pouvons :
- ✅ vous aider à analyser votre fonctionnement collectif,
- ✅ vous proposer des solutions de portage ou de mise en conformité,
- ✅ vous accompagner dans la rédaction de vos contrats de collaboration.
Conclusion
Travailler ensemble ne s’improvise pas. La société de fait est un réel danger en cas de coopération mal cadrée.
Quand la coopération se structure sans cadre juridique clair, le risque de société de fait devient bien réel — avec des conséquences juridiques, fiscales et relationnelles importantes. Mais cela ne doit pas décourager les dynamiques collectives.
Mutualiser, coopérer, créer à plusieurs, c’est possible — à condition d’être au clair.
Que chacun·e garde son statut, que les rôles soient définis, que les engagements soient formalisés.
C’est dans cette clarté que se construisent des pratiques solides, responsables… et durables.
👉 Chez Humacitia, nous pensons que la coopération mérite d’être protégée autant que promue.
Mais quand tout est flou, ce sont les statuts, les responsabilités — et les personnes accompagnées — qui en pâtissent. Clarifier son cadre, c’est protéger son activité, ses collègues et ses usagers. C’est aussi défendre une éthique professionnelle forte dans l’exercice indépendant.